Miremont et Duguine les maîtres de "Excelsa"
Nos jolis livres sur les animaux de la jungle nous disent qu’au fond de la savane africaine les guerriers des tribus, seulement armés de leurs lances et de leur courage attendent le dernier râle du lion avant d’aller l’éperonner…C’est toute l’histoire, enfin un bon bout, de la finale du 4ème Master Excelsa, de la belle finale, que dis-je, de la superbe finale, dont on se réjouit qu’elle est eu pour témoin un copieux parterre venu garnir les travées du trinquet palois, un trinquet qui n’eut besoin de rien pour, sitôt le dernier point consommé, envelopper dans la même gerbe d’applaudissements les quatre acteurs. Elle contenait, cette grosse gerbe d’applaudissements des remerciements aux joueurs bien évidemment, beaucoup de remerciements aux joueurs mais elle contenait aussi toute la satisfaction de ceux qui la faisaient vibrer. C’était une parfaite communion à la hauteur de l’évènement, il n’y avait plus là les pro Miremont Duguine ou les pros Laberdesque Abad, il n’y avait plus que des amateurs de ce jeu de pala si populaire et si complexe lorsqu’il est joué à ce niveau, des gens conquis par l’altitude technique et émotionnelle à laquelle les acteurs le hissèrent…
Brave Abad, intraitable Duguine
Trève de considérations, même si elle ne nous semblent pas vaines dès lors qu’elles sont le plus bel outil de promotion de la discipline, trève oui pour en venir à l’essentiel d’une finale dont vous avez toutes et tous entendu dire un jour, qu’elle était faite pour être gagnée et que seuls, palmarès et histoire retiendront les noms des lauréats, jetant aux oubliettes celui des perdants.
Peut-être, pas sûr tout de même que l’on oublie de sitôt le nom de Beñat Abad, quadra bayonnais, venu sur le tard à la pelote, enfin après 20 ans de rugby; il est allé au bout du bout de la dépense, il est allé à la pointe extrême de l’énergie dépensée, il a été brave, saoulé de coups mais brave et il a même trouvé la force encore de brandir le bras lorsqu’il a réussi lui le point qui maintenait le suspense encore intense, l’issue indécise. On aurait presque pu dire qu’il fut le meilleur des quatre mais on se serait emballé…
Stratégie parfaite
Parce que le meilleur il gagne, souvent, presque toujours, et poste pour poste Duguine, au prénom prédestiné un soir de St Valentin, fut celui là… Il n’est pas échassier notre landais mais il a de l’envergure, de la force, et la rate de ceux qui ne semblent jamais éprouvé. Il y a aussi beaucoup d’élégance dans la remise. Et puis il y eut surtout, et là il faut associer Nicolas Miremont, ce pilonnage en règle du fond de cancha qui fit mal, très mal, on va le voir. En tant de guerre on disait que les hommes tombaient sous la mitraille, ce n’est pas joli d’employer des termes de guerre pour relater du sport quand on souhaite celui-ci pacifique, mais l’image sautait trop aux yeux alors vous nous la pardonnerez… La stratégie était parfaite. Mais alors si Abad alla jusqu’à l’héroïsme des courses folles pour maintenir son duo en vie d’où vint le chaînon manquant…
Miremont dominant
D’Olivier Laberdesque ? Vous avez dit Laberdesque, le plus titré de tous, le maître des canchas, le faiseur de miracles, l’attaquant racé et sans pitié ? Bon, bon on vous croit même si ….Dans l’ensemble Miremont eut de l’emprise sur lui ne laissant jamais un point passer sans rendre la monnaie avec le suivant, défendant le filet mieux qu’un bon gardien de but, et appuyant lui aussi sur les frappes surpuissantes pour s’occuper d’Abad...
Ils avaient été en difficulté très vite lorsqu’à 8-15 le premier tiempo était « bleu », il ne changea rien les « verts » étaient en vitesse de croisière 19-13. Le lion n’avait pas encore choisi sa couleur toutefois, et la partie revint à l’équilibre à 21 quand Laberdesque refit peu du Laberdesque ! Elle s’y posa sur cet équilibre et longtemps jusqu’à 32-31 ! Les points étaient des marathons, les échanges montaient irréels jusqu'à 25, 30 coups.
Toile de maître
A 32-31 c’est Abad qui avait écopé pour effacer le moins 2, il n’alla pas au-delà, sans doute repus de coups quand Duguine, toujours très délié, et son avant diablement fort, appuyaient encore, farouches et sentant le dernier râle venir… Il vint de celui qui mesura à cet instant qu’il n’avait plus tout à fait 20 ans, qui mesura surtout qu’il n’est pas facile d’être à la fois au four et au moulin, organisateur et joueur… Sur les trois points suivants c’est lui qui fauta et à 31-35 tout devenait plus ardu surtout face à un duo « vert » pouvant jouer envers et contre tout. Les leaders du score et du jeu pouvaient armés leurs lances le lion rugissait mais rugissait souffreteux, Olivier Laberdesque ratait un retour à 33-37, il s’inclinait sur une attaque de Miremont au cordeau, 33-38.
Abad tirait bien un filet pour parachever son œuvre, Laberdesque relevait la tête (35-39) mais la toile de maître était signée par les docteurs es-Excelsa...Et si l’on n’entendit point le dernier râle du lion, c’est que des gradins s’élancèrent ces applaudissements si puissants qu’ils le couvrirent...
*Le lever de rideau avait permis un véritable voyage dans l’histoire, merveilleux voyage en compagnie de champions dont les palmarès sont des almanachs. Au rendez-vous de l’amitié quelques uns des plus beaux fleurons de la pelote nationale reprirent la pala, il y avait là Joel Sécalot, Arnaud Bergerot, Patrick Lissar, Yannick Laberdesque, tandis que Patrick Inchauraga, bléssé les accompagnait. C’est Alain Chrisostome, l’homme de Koo Lantha 2016 qui jugea les deux parties.
Gérard Bouscarel