Entraîneur de l'équipe de France de punta "Fifi" Etcheberry, de la suite dans les idées

Philippe Etcheberry, ci devant entraîneur de l’équipe de France de cesta punta, c’est ce monsieur plutôt grand qui vit le plus souvent casqué sur les canchas. Soit, qu’au fond des jaï alaï, debout, stoïque, imperturbable et concentré sur les faits et gestes de ses joueurs, il porte le casque blanc du pelotari, soit qu’assis, au bord de la cancha, à une table, les yeux rivés sur l’écran, il coiffe le casque-micro, plus léger, du consultant de télévision qui éclaire le commentaire de ses connaissances, de ses compétences. Et cette seconde fonction il s’en acquitte fort bien, avec autant de pédagogie que de technicité. Vous le situez un peu mieux, maintenant ? C’est encore plus aisé peut-être si l’on dit que ce Philippe la, c’est « Fifi » ! « Fifi » d’aussi loin qu’il se souvienne, « Fifi » depuis toujours et pour tout le monde, ou presque.
Jeune, très jeune retraité
Il est même un autre « Fifi », sans casque aucun celui là, l’esprit, tout entier déjà, tourné vers San Luis, siège argentin du prochain mondial (*) qu’il aura d’autant plus à cœur de réussir que ce sera son dernier. « J’aurais passé 11 ans dans cette fonction, c’est un cycle qu’il ne faut pas dépasser, je crois, ça use et on use... » dit-il très sereinement. Il est donc en immersion déjà et s’il consent une entorse pour penser à à autre chose, c’est qu’il a un autre pan de vie à préparer, celui de la retraite, professionnelle celle là. Elle était pour fin septembre, toute fraîche, « Fifi » a quitté les services techniques de la ville de Saint Jean de Luz, lui le natif de Ciboure, qui ne s’éloigna guère de sa terre basque jamais puisque c’est à Biarritz qu’il offrit l’essentiel de sa carrière de joueur, et quelle carrière. Exceptionnelle. « Fifi » possède une médaille d’argent que partagent Pierre Bordes, Pierre Echalus et Michel Ahadoberry, et plus personne d’autres, celle des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. La pelote y était sport de démonstration, c’était la 2eme fois, après Paris 1900.
89-93, cinq titres nationaux consécutifs
Cette même année 92, il ajoutait, avec Philippe Darricau un troisième titre national à une collection qui en comporte cinq consécutifs, ceux de 92, avec Echalus et 93, avec Bordes la complétant. « J’avais des avants fabuleux » dit modestement cet arrière à l’envergure imposante. Jean Marc Olharan qui partagea un bout de carrière avec lui parle d’un « athlète très appliqué et toujours très bien préparé ».
C’est curieux, comme les deux hommes ne partagent pas seulement une aventure, mais également un destin, et un destin contraire. S’ils ne bougèrent guère de leur terroir, ce n’est pas faute d’avoir voulu voyager et tout fait pour. Un tremblement de terre à Milan fracassa les installations et Olharan, billet de train en main, resta sur le quai de la gare; une grève des joueurs aux « states » casse le beau joujou américain, et quelques amis bien intentionnés dissuadent « Fifi » de traverser l’océan, les « jaunes » n’étaient pas spécialement les bienvenus...
Pas vu l’Amérique
« Nous étions pourtant programmés pour aller aux USA avec la « world Jaï alaï ! Tout était fait en fonction de notre arrivée là bas, le cursus scolaire, le visa, les pelotes, les chisteras, tout et puis un jour on t’appelle et on te dit « Fifi ne viens pas, tu vas te faire mal voir... »
Contrairement à Jo Dassin qui voulait voir l’Amérique et qui finit par la voir, « Fifi » ne la vit qu’une fois en 85 quand, avec Jean Marc Olharan encore, il y joua un tournoi à Milford dans le Connecticut…
« Fifi » qui avait hérité du chromosome pelote de son père et qui, à son tour, le transmit à Iban son fils, ne conçut pas de gros regrets, il n’en eut pas le temps. Cette année là, Michel Billac, l’ancien brillant trois quart centre du SLJO désormais très investi au « Luzean » de Saint Jean de Luz, l’appelle et lui rappelle que s’il est joueur de Biarritz, il est luzien de cœur. L’argument suffit à le convaincre de venir donner un coup de main pour entraîner les jeunes, et les moins jeunes
Eric Irastorza le complice
Il y découvre un gamin nommé Eric Irastorza, il retrouve plus tard, beaucoup plus tard, un énorme champion avec lequel il roule aujourd’hui encore au volant du convoi des tricolores de la punta.
Il a surtout mit le pied dans une spirale qui va l’avaler tout entier, à moins qu’il ne se soit laissé avaler… « Fifi » n’en fait pas un secret, oui son vœu le plus cher c’est « d’entraîner l’équipe de France ». Il est bien à la tête des « bleus » en 2011, quand Michel Billac crée et organise à Hossegor le premier championnat du monde des professionnels par pays, mais le mot est lâché, ce sont les professionnels, ils ne sont pas dans le giron fédéral, ça viendra avec la disparition des statuts des uns et des autres.
La fédération, elle invite « Fifi » diplômé d’état bien entendu, mais pas seulement, d’autres coaches aussi, à venir présenter leur plan de travail, leur projet, leur programme, leur organisation, leur manière de voir et de faire. Nous sommes en 2015. Il y a déjà quelque temps que le natif de Ciboure a planché sur le sujet, qu’il couche ses idées sur des feuilles de papier, que l’éducatif est au centre de sa philosophie. Qu’il est prêt.
Première campagne, premier titre mondial !
Des trois candidats qui viennent au devant de la commission, il est certainement le mieux disant puisque c’est lui qui est choisi. Le voilà coach de l’équipe de France de cesta punta. Le rêve n’est plus, il est réalité
« Fifi » Etcheberry inaugure son mandat de la meilleure des manières, par un titre de champion du monde! Les championnats du monde des moins de 22 ans ont lieu à Accapulco, la sélection qu’il emmène au Mexique dans cette ville coincée entre la mer et la montagne se compose de Andoni Laloo, Ludo Laduche, Thibaut Basque et Jérôme Portet, elle se retrouve pour un duel fratricide en finale, duel que Laloo et Portet remportent. « Fifi » est tout simplement un sélectionneur heureux, ce n’est pas tout il s’inscrit dans la durée aussi et visiblement le courant passe à merveille avec ses joueurs. Juin 2025, dix ans après Accapulco, la Ligue des Nations, qui s’appelait Coupe du monde avant, se déroule à Gernika, la sélection française se compose de Ludovic Laduche et Ion Tambourindéguy chez les avants, de Thibaut Basque et Jérôme Portet chez les arrières. Pas de doute l’équipe de France de cesta punta vieillit bien ensemble, la signature de « Fifi »?
(*) Ce ne sera pas à San Luis qui a force d’être remis en cause a été définitivement écarté et c’est finalement là, où vient de se terminer le mondial des moins de 23 ans, qu’aura lieu le mondial 2026… Mais il n’y a pas encore de jaï alaï à Venado Tuerto.
Gérard Bouscarel
(A suivre)