"Agur Jauna" Jean Pierre
Le ciel de Biarritz était bleu ce samedi, le dernier du mois d’aôut, Tout bleu. Il n’y a, nulle part, le moindre nuage pour y accrocher une photo. Sous ce ciel de lumière, le parc Mazon, son fronton, transformé en restaurant à ciel ouvert et sans « chichi ». Les tables sont longues et alignées, on y mangera comme on mange à la campagne quand elle fait la fête, les uns à côté des autres et à la bonne franquette. Le béton de Mazon brûle autant qu’un four dont on aurait augmenté le thermostat pour finir de cuire la volaille avant de passer à table. Il n’y a pas de four à Mazon, sinon trois grands trépieds et trois énormes plats à paella autour desquels des cuistots, ne suent ni ne transpirent, ils sont en eau. Il n’y a toujours pas de photos sur ce qui n’est encore qu’un no man’s land écrasé de chaleur. La foule, elle est tassée sur les marches de béton qui font d’ordinaire les gradins d’où l’on suit la partie. Il y a là, sous les arbres, au dessus de ces marches une allée, elle possède le bien le plus cher de l’endroit, l’ ombre. C’est une oasis. On peut y étancher toutes les soifs puisqu’un bar, pas très large mais long, y a été monté. Qu’ont-ils privilégié les gens qui se pressent là ? Le bar ou l’ombre ? Mieux le l’ombre et le bar. Et il n’y a toujours pas la moindre photo pour dire que l’on fête Jean Pierre Abeberry, décédé cinq ans auparavant.
Nul besoin de photos
Et s’il n’y a pas de photos, c’est qu’il n’en n’est nul besoin. C’est que tous ceux qui sont là, nombreux, la photo elle est en eux, gravée pour l’éternité. On n’oublie pas des personnages comme Jean Pierre Abeberry, parce qu’on n’oublie pas les gens d’une telle grandeur d’âme, d’une telle mise aux services des autres de leur passion, la pelote ici, toute la pelote. Celle qui le vit monter, champion, sur le toit du monde en 1974 à Montévidéo, celle qu’il cultivait au quotidien au BAC, le Biarritz Athlétic Club, dont son père et son oncle furent les créateurs. Il n’est nul besoin d’une photo quand on fête quelqu’un qui n’aurait pas aimé, lui qui était d’une parfaite humilité, qui aimait avant tout le partage, qui faisait beaucoup mais ne le montrait que peu.
Jean Pierre Abeberry est parti pour le grand voyage, il y a cinq ans. C’est à la fois court et long cinq ans, c’est ce qu’il faut parfois pour que les larmes des siens sèchent, que leur chagrin se dissipe un petit peu dans le temps. Cinq ans après donc Martine sa veuve, Peïo son fils, et d’autres, les amis du parc, le comité des fêtes « Bibi », le BAC naturellement , Oldara, le groupe de chants et de danses. Bien d’autres ont donc fait de Mazon et de « son » fronton, le théâtre d’une fête, celle de l’amitié et de la solidarité. Et il ne devait pas être très loin Jean Pierre, mais peu importe au fond, puisque où qu’il soit, Martine savait que « le soleil, c’est Jean Pierre qui nous l’avait envoyé ».
"Salut, Monsieur et respect"
Ses amis et ils étaient en nombre, lui pardonneront de l’avoir envoyé aussi chaud, ils savent tous qu’il était généreux Jean Pierre. Et puis, comme à Biarritz, chaque voiture ou presque a dans son coffre un parasol de plage, on vit bientôt pousser, encore plus vite que les champignons, une forêt de parasols au dessus des tables… Ils avaient disparu, comme tout le reste à l’heure où la pelote reprenait possession de son fronton. Comment la fête dédiée à Jean Pierre Abeberry pouvait-elle ne pas mettre de pelote à ce programme qu’avait lancé, avec solennité et émotion, le « Agur Jauna » qu’il était permis de traduire ce dimanche par « Salut Monsieur et respect ».
C’est un tournoi à quatre équipes qui était organisé, toujours avec le bon goût de la journée, il réunissait en effet 12 joueurs, représentant chacun un fronton différent. Ainsi Pays Basque, naturellement, mais aussi Landes et Béarn avaient délégué quelques uns de leur champion, surtout ils permettaient à la pelote de grand gant d’étaler son rayonnement.
Rayonnement comme...
Rayonnement, tiens, tiens, comme Jean Pierre Abeberry était rayonnant, comme les rayons du soleil avaient fait briller cette journée. Cette journée dont on retiendra que chacun était venu avec, dans son cœur le portrait, de Jean Pierre Abeberry et puis que, bonjour noblesse, le profit de cette journée était destiné à l’association « EHOO » qui assiste le service d’oncologie de l’hôpital de Bayonne. C’est d’ailleurs son président Jean Philippe Dutin qui lança le « duro. »
Il était évident qu’à cette fête, la Section Paloise pelote participe. Jean Olharan et Jérôme Portet, (vainqueur du tournoi avec Urrutia et Laloo) étaient venus avec leur gant, Quant à Gérard Pierrou, Jean Marc Olharan et Christian Loustaudine, ils étaient eux venus partager et évoquer des souvenirs de parties que le temps a souvent embelli quand elles étaient victorieuses, et quelque peu effacé si c’était le contraire. Non, ils étaient là pour dire simplement qu’ils n’oubliaient pas Jean Pierre Abeberry. On n’oublie pas ce genre de personnes, elles sont rares.
G. Bouscarel