Portrait Emeric Libois, talent au naturel

Peu importe au fond que la traduction de « plaza gison » ne fasse pas l’objet d’une seule et même définition.
Elle laisse ainsi, à l’esprit le droit de s’évader quelque peu, de se créer sa propre image de la chose
Qu’est-ce que « plaza gison » ? C’est un trophée, qu’en clôture de la grande semaine de la pelote, la
Fédération décerne à ceux dont les qualités vont bien au-delà de la traduction littérale, « l’homme de la
place ».
Le « plaza gison » récompense un joueur, où une joueuse, dont les qualités sportives se doublent de
semblables qualités humaines, d’un esprit sportif très développé, on aimerait les anglicismes qu’on dirait
fair-play bref, c’est l’anti mauvais joueur.
Si du côté de Bidart, au fronton ou à la plage vous croisez la route, d’un grand jeune homme, 1m86, aux
22 printemps tout frais, c’était le 27 du mois d’août, marchant le pas léger et peu pressé, la casquette posée
sur le crâne, la visière en arrière, surtout, une belle gueule d’ange que ne cache pas tout à fait une paire de
lunettes de soleil aux verres opaques, un jeune homme qui fleure bon son époque, qui respire une vraie joie
de vivre, si vous croisez ce beau gosse vous avez croisé Emeric Libois et vous avez touché du doigt un
vrai « plaza gison » ce trophée qu’il a reçu tout naturellement et qui ira très bien aux côtés de la grosse
médaille du champion de France qu’il est devenu à Arcachon en battant, avec la Kostakoak de Bidart, la
Section Paloise de ses potes Paul Caparrus et Jérôme Portet.
Le piano, lui il en joue
Pour sûr, on lui en aurait trouvé tout autant des potes dans n’importe quelle autre formation. Il doit être difficile
de ne pas se faire copain avec un garçon
comme Emeric Libois, encore plus de se fâcher. « C’est vrai, je m’entends bien avec à peu près tout le
monde » sourit l’intéressé avec un large sourire, le sourire étant son autre marque de fabrique. Il le promène
jusque dans les vestiaires où il peut « toujours s’amuser un peu », et il le suit encore à l’échauffement où il
lui arrive de « pouvoir sortir deux ou trois blagues ». Le masque ? Le visage fermé ? Ce n’est pas le genre
de la maison Libois, Emeric attend « le premier point pour rentrer dans la partie » mais quand il y est, il y
est et là, c’est le qui talent s’exprime, la joie de jouer qui parle. Il a de l’or dans le gant, ses coups sont
parfois de folie, plus souvent de génie. C’est Pierre Danos, le demi de mêlée de Béziers des années 60-70
qui disait, « sur un terrain, il y a ceux qui déménagent les pianos et il y a ceux qui en jouent », Emeric Libois
est de la deuxième catégorie. » C’est ce talent qui lui vaut le début d’un palmarès, il est membre de l’équipe
de France des moins de 22 ans, médaillée d’argent à Mexico en 2023 puis médaillée de bronze en 2024 à
Pampelune, il est encore champion de France avec Pablo Ibar en 2023 contre Zamora et Paul Caparrus, on
parle de cesta punta. Il est tout récent champion de France de grand gant avec son club de Bidart et il dit,
« ne pas avoir de préférence entre les deux spécialités, ou alors une très légère pour la punta », c’est avec elle
qu’il est passé pro en 2023.
Le « Pro tour », l’échec qui fait mal
Mais aussi gâté qu’il soit par dame nature, aussi capable de relativiser la portée
d’un échec comme celle d’un succès, Emeric Libois n’est pas à l’abri de coup d’arrêt, sa défaite en finale du
Pro Tour (*) à Hossegor, en fut un, elle le priva de la « summer league », donc d’une exposition à la lumière,
et « ça fait mal, j’ai mis beaucoup plus de temps à digérer que d’ordinaire, j’ai beau être jeune c’est un gros
échec. » Qu’il n’est pas question de répéter, vous l’auriez deviné, « ce sera l’objectif numéro 1 de la saison à
venir, ça passe aussi par un « bon championnat de France, cet hiver », il le jouera en extension (**) à Mauléon
avec Gullen Oyhenart. C’est pour ces raisons et aussi pour pouvoir aller faire la saison américaine à Dania
durant 3 mois ou presque qu’il s’est offert une année sabbatique et fait attendre son master après avoir terminé
sa licence en école de commerce. Le garçon est rieur, pas insouciant.
La Belgique, la pelote et le surf
Emeric Libois, peut-être qu’à ce stade du récit vous vous êtes posés la question du pourquoi une telle écriture
quand chez nous les Aymeric posés de la sorte sont beaucoup plus nombreux. Nous n’avons d’explications à
vous fournir pour la simple et bonne raison que nous n’en n’avons pas trouvé et qu’il ne semble pas qu’elles
foisonnent. On se gardera bien dès lors de faire un parallèle entre les Emeric belges et les Aymeric français, si
tant est qu’il y en est un d’ailleurs. Donc Emeric Libois est un sujet belge, natif de Liège, qui n’a aucun souvenir
de son pays natal et pour cause il portait encore les couches quand la famille Libois prit la route pour venir
s’installer à Bidart, il y a des fois où les mutations professionnelles, ne sont pas si désagréables que ça. Quand
il en eut l’âge Emeric découvrit le surf et l’adopta comme un loisir complémentaire à la pelote. Comme j’habite
près de la plage, si la météo s’y prête et si j’ai un créneau, je fonce, mais c’est vraiment secondaire désormais.»
Comment Emeric Libois a-t-il fait pour croiser d’abord la route de la pelote ? « A Bidart le triptyque sportif
c’est pelote, surf et rugby, comme l’un de mes premiers copains fut Pablo Ibar, je l’ai suivi et de fil en aiguille
on en est venu à rencontrer Laurent Garcia, le président et j’ai signé à la Kostakoak (***) »
La sélection de Belgique pour laquelle Emeric Libois disputa le championnat d’Europe 2022, perdait un
précieux élément, Pablo Ibar et Emeric Libois avançaient sur les chemins d’une durable amitié, le club de
Bidart héritait d’un bien joli projet. Le tout sur fond de naturel et de joie de vivre. « Oui c’est vrai j’aime bien
m’amuser » et le sourire éclaire une fois de plus le visage d’Emeric Libois…
*Pro Tour : c’est une épreuve comparable aux qualifications des tournois de tennis, à savoir que le duo qui
s’impose rejoint le plateau de la « summer league. »
**Extension : c’est à peu de choses près, ce que beaucoup d’autres disciplines pratiquent sous la forme des
« transferts ». Un joueur prêté est donc en extension pour la saison en cours.
***Kostakoak : le nom du club de pelote de Bidart traduit littéralement, c’est « ceux de la côte».
Gérard Bouscarel