Edito Pelote reste noble
Aritz Erkiaga et Imanol Lopez, les joueurs d’Ispaster et de Zumaïa ne sont plus seulement les rois du monde qu’ils sont depuis Biarritz 2022 et qu’ils seront peut-être encore à San Luis en 2026, non, ils sont depuis vendredi soir très tard, à moins que ce ne soit samedi matin mais alors très tôt, les rois d’Euzkadi couronnés à Gernika… Autrement dit prophètes en leur pays !
L’histoire de la pelote plus basque que jamais retiendra que c’est dans ce temple de la cesta punta que 2000 personnes, quelques unes habitées, ont célébré et parfois davantage l’avènement d’une nouvelle nation d’un nouveau maillot, d’un nouvel hymne, d’un nouveau drapeau, les leur, ceux d’Euzkadi, ceux d’un pays, le Pays Basque!
Mais l’histoire têtue comme à son habitude retiendra que c’est exactement, très exactement, avec les mêmes athlètes, les mêmes champions, les mêmes personnes que l’on a fait, non pas d’un coup d’un seul, deux nations d’une seule…
Et l’histoire, encore elle s’est offert, à Gernika, un dernier petit pied de nez à ce dédoublement. Elle a fait monter sur la plus haute marche du podium de sa Ligue de Nations, l’Espagne d’abord, celle des féminines, impériales d’un bout à l’autre du tournoi, puis Euzkadi ensuite, celle des masculins bousculés en finale mais encore suffisamment solides pour aller au bout… Une victoire partout, match nul, et pelote au centre de la cancha, comme si l’histoire se débarrassait de cet encombrant dossier…
Et c’est là que l’histoire s’arrête. Parce qu’elle a été rattrapée par la passion, rattrapée par le chauvinisme, rattrapée par le sectarisme, rattrapée en fait par toutes ces choses dont la pelote s’était jusque là abstenue, dont la pelote avait jusque là refusé le droit d’accès, fermant ses portes à ces dérives, ce qui en faisait sa beauté, ce qui la différenciait de biens d’autres disciplines.
On ne dit pas, non surtout pas, que c’est le temple de la Biscaye tout entier qui s’est ainsi quelque peu fourvoyé, laissé embarqué par l’instant, grisé par le succès, de la même manière que la « cancha » renvoya les deux pays dos à dos, les aficionados étaient eux aussi partagés, dans quelles proportions ? Difficile à quantifier mais une bonne grosse moitié à vue de nez... Celle-ci plaçait comme toujours ici, au dessus de tout, on dit bien de tout, le plaisir d’être partie prenante de ce spectacle de haut vol, de profiter d’une qualité de jeu exceptionnelle, de se nourrir des émotions que le sport suscite et sublime en même temps.
Pour autant la goutte n’avait pas débordée du vase jusqu’au moment où, sur quatre jeunes joueuses et leur coach, venues simplement toucher la récompense de leur incontestable succès en montant, txapeldum sur la tête, tout en haut du podium, fut déversé une averse, non, une tempête, mieux encore une tornade de sifflets parce que l’hymne espagnol accompagnait la victoire et le sourire des héroines. Il en devint inaudible et l’on ne croit sincèrement pas que ce brouhaha là grandissait en quoi que ce soit la nouvelle nation. Elle était le cadre d’une compétition dite mondiale, elle était la vitrine de la pelote, elle était un vecteur de promotion extraordinaire, en guise de quoi, ils étaient quelques uns à régler quelques comptes. Ce n’était ni l’endroit, ni le moment, de même que ce n’était peut-être pas le lieu ni l’endroit pour ne communiquer qu’en langue basque… L’heure était à l’élèvation du savoir faire de ce pays si beau, si généreux, si accueillant, l’heure était à célébrer avec noblesse son entrée dans le grand monde. La reconnaissance n’était donc pas suffisante à ce que Euzkadi soit fière et heureuse.
Que sifflait-on donc, qu’ huait-on donc à gorge déployée à ce moment là ? Erika Mugartegui Atain, par exemple ? La même qui, du haut de ses 17 ans tout juste, faisait rugir de joie et de bonheur tout un pays en décrochant le titre mondial des espoirs en 2023 ? L’enfant de Markina, ce creuset de champions comme le sont Zumaïa, Lekeitio, Mutiku, Berriatua et tant d’autres ?
Qu’on nous dise, qu’on ne nous fasse pas croire un seul instant de plus que la pelote soit sur le chemin du rejet, elle qui enchante, elle qui rassure, elle qui est exemple quand elle fait lever les gradins de Gernika pour un point d’anthologie, pour un échange sans fin, pour un deux murs bien claqué, pour une cortada stratosphérique. Elle ne regarde alors ni la couleur du maillot, ni l’écusson de la nation elle aime et elle s’aime aussi la pelote.
Gérard Bouscarel
*La France seconde de poule a battu les USA en deux manches (15-13, 15-13) en demi-finale avant de s'incliner en finale face à l'équipe d' Euzkadi (13-15, 11-15). Elle obtient la médaille d'argent.
Elle était composée de Ludovic Laduche et Ion Tambourindéguy pour les avants, de Thibaut Basque et Jérôme Portet pour les arrières. Elle était coaché par Fifi Etcheberry, Eric Irzastorza et Dany Erdocio.
Les féminines n'ont pu s'opposer aux sélections d'Espagne et d'Euzkadi, elles terminent devant le Mexique ce qui leur vaut la médaille de bronze. Marie Laugier faisait partie de l'équipe de France.