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David Minvielle, clap de fin après l'été

Le championnat de France de cesta punta, qui s’est achevé mercredi soir par la reconquête de la couronne par les frères Johan et Gorka Sorozabal, n’a duré qu’une quinzaine de points pour David Minvielle, victime d’une blessure au genou. S’il n’a pas encore remis le gant, il a eu le temps de réfléchir et sa décision est prise, l’été qui se profile sera son dernier. A 40 ans le pelotari cède la place au chef d’entreprise. Le sportif de haut niveau troque son costume pour celui de responsable d'exploitation agricole.
24.4.2025
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David Minvielle ou la belle union du gant et du joueur (photo Dany Erdocio)
David Minvielle ou la belle union du gant et du joueur (photo Dany Erdocio)

Quand on l’a joint, David Minvielle était en route pour aller voir, en famille,  la finale du championnat de France, celle des « frérots » comme il dit des Sorozabal ses partenaires du BAC. C’est ce même championnat de France qui l’a laissé sur le bord de la route à lui. Et pour un bon moment de surcroît. On rembobine le film au scénario maudit jusqu’au 15 mars sur le coup de 16 heures à Aguiléra, les biarrots ouvrent, à leur tour, la campagne en accueillant le Guethary de Ludo Laduche et de Nicolas Etcheto. Ils mènent 8-4 dans la première manche, David Minvielle s’apprête à réceptionner une  pelote sous le regard attentif de Bixente Gonzales son partenaire. Elle n’est ni plus ni moins compliquée qu’une autre, le bras armé du gant se tend.  Fin du film. Rideau. C’est la dernière séance. Le genou de David Minvielle n’a pas suivi le mouvement. Il s’est bloqué à l’arrière et il lui a fait très mal, si mal qu’il a tout de suite pensé aux ligaments ! La rupture des ligaments croisés ou antérieurs,  la hantise des sportifs qui savent qu’elle coûte cher, très cher, en temps bien sûr…

Sept semaines sans gant

Non, ses ligaments sont tout juste distendus, ce qui a fait mal c’est le choc violent entre le fémur et la rotule. Voilà bientôt sept semaines qu’il a quitté la « cancha » en sautillant sur une jambe, les deux bras appuyés sur les épaules des copains, l’autre jambe plié et en l’air. La poule 2 du championnat de France continua sans lui. Le générique de fin c’était « forfait général ».  S’il ne la plie plus la jambe, si la contusion osseuse se résorbe, s’il n’est pas mécontent de n’avoir eu « que ça » David Minvielle n’a pour autant pas encore remis le gant, pas renoué avec la pelote, enfin en tant qu’activité sportive, puisqu’il n’a pas non plus complètement débranché la prise. « Bien sûr que je suis de près, quand t’as ça dans la peau, depuis 33 ans, c’est compliqué de faire autrement... » lâche-t-il avec assurance et sans la moindre once d’amertume dans la voix. Ce garçon a, du quadragénaire père de famille, une philosophie rieuse de la vie, le sourire le plus  souvent accroché sur un visage que la nature a voulu doux et sans rature aucune, la gentillesse au bord des lèvres.

Il va le remettre le gant, bien sûr, il le met depuis l’âge de 7 ans, mais sans urgence. Sans l’appétit glouton de celui qui n’a qu’une hâte celle de revenir. Lui ce sera  « petit à petit » et même « doucement » parce que c’est d’abord ce que commande la sagesse à cet âge là, même s’il pratique une discipline  où les champions de sa génération ne sont pas des perles rares mais bien des gens solidement accrochés sur les sommets.

Le gentleman farmer

Mais ce n’est pas seulement la précaution d’ordre sportif qui lui suggère cette patience, cette prudence, non, dans sa tête il imagine même revisiter durant l’été ces compétitions qui l’ont vu manier le gant et frapper la pelote comme pas beaucoup d’autres. C’est que sa collection d’honneurs est tout de même l’une des plus belles qui puisse se trouver dans le monde de la cesta punta. Elle fait état de quatre couronnes nationales dont deux sous le maillot de la Section paloise, de deux « Gants d’or » et de trois finales aussi, de deux « Pro tour »,  de trois finales des « Internationaux » de St Jean, de deux « Cesta de Nadaü » paloise et puis d’un bronze au mondial biarrot, bronze qui, à une poignée de centimètres près, aurait pu être argent ou or… Tout cela,  plus ceux que l’on a oubliés  où qui furent moins clinquants, ou bien encore qui froissent sa discrétion, font assurément  « une belle carrière ». Elle le fut d’autant plus qu’elle s’accompagna constamment du sens de l’honneur, d’une sportivité totale, mais ça c’est le lot commun à la confrérie, d’un bonheur sans cesse renouvelé, comme si c’était chaque fois une première fois. C’est sûr, la grande taille et la carrure du natif de Caresse-Cassaber ajouta à la noblesse du geste, à l’élégance de son fouetté de poignet. En un mot, les anglais auraient dit de ce bel athlète qu’il était le parfait gentleman. Et même gentleman farmer s’ils avaient su qu’il était aussi un agriculteur, fils d’agriculteur,  en charge de faire vivre l’exploitation quand son tour viendrait, après qu’il ait été  l’ élève de son père pour apprendre de son savoir, puis, le temps passant, au relais de ce même papa et enfin, ce savoir maîtrisé,  devenir seul à la tête d’une structure agricole familiale de belle dimension.

Le passage de témoin

Et c’est bien parce qu’après avoir été joueur de pelote bien plus qu’agriculteur, il était devenu, par étapes, chaque fois, un peu moins l’un et d’avantage l’autre que se dessinait  le passage de témoin du gant au tracteur, de la pelote au silo, du maillot en couleur au bleu salissant de travail. D’autant plus que sur un plan plus personnel encore, Marion sa charmante épouse  que l’on vit offrir à Goïkoxea un hommage dansé en basque lors de ses adieux palois, Marion donc lui a donné un fils, Oïhan, et qu’à bientôt trois ans le petit ange blond a déjà de qui tenir avec son gant miniature…Ce n’est pas la moins désagréable, cette charge là mais elle compte dans un emploi du temps au quotidien.

La cesta punta n’était donc plus la priorité absolue de David Minvielle, il s’en ouvrait volontiers d’ailleurs mais  elle a tout de même trop impacté sa vie pour qu’il l’a range ainsi sans considération aucune au fond d’un placard, à la manière d’un vieux balai… Il sera donc au départ de la « jaï alaï league » une fois l’été venu, avec un genou bien retapé, son éternel plaisir de taper , et puis la volonté de « faire un bon été ». Faire un bon été pour David Minvielle c’est d’abord ne pas faire celui de trop. Pas de souci du côté de la tête, elle dit oui pour faire les choses bien, mais ce n’est pas la tête qui décide de tout, « c’est le corps qui suit ou qui ne suit pas. »  Et il sait de quoi il parle lui qui vient de voir son corps lui jouer un bien vilain tour.

Le dernier été

Mais l’été s’en allant, la tête et le corps David Minvielle les a d’ores et déjà mis en parfaite adéquation, ils tireront leur révérence. Cette fois le dernier point qu’il soit gagnant ou pas, il sera le dernier. « Sans regrets » Il s’y est préparé. Et s’il devait y en avoir d’autres ce seraient ceux que très vite son minot lui fera compter. De ceux là, oui, il a hâte  et il les sait venir puisque son fils, après papa et maman, c’est  « yo, yo, yo » qu’il a appris à dire. Et c’est encore avec ce gant miniature mais « comme les grands » qu’il joue souvent…

La décision de faire de cet été, celui d’un adieu est sans appel. Elle avait germé et cédé la priorité, elle a fini de mûrir dans la douleur du genou à la mi-mars. « La blessure ne m’a pas affecté plus que ça, au contraire elle m’a conforté dans ma réflexion. Et si je me refaisais  mal? Mon statut est désormais celui d’un chef d’entreprise, mais aussi d’un mec seul, et si je ne suis pas là, c’est compliqué, je n’ai pas de collègue de bureau pour me dépanner  ! »

Jamais très loin

Si compliqué que même présent sur l’exploitation  David Minvielle a entrepris de former un salarié.

Mais peut-on raisonnablement imaginer que l’on puisse vivre totalement sans pelote quand on s’appelle David Minvielle et qu’on a grandi avec, vécu avec, partagé tant et tant de choses, lié tant et tant de complicités, parfois même d’amitiés ? Quand on a entassé dans une grande armoire des souvenirs à n’en plus finir ?  Bien évidemment que non. Alors si elle change de statut comme le soir où on l’a joint et qu’il allait voir les copains jouer, elle ne sera jamais très loin puisque le petit Minvielle, fils de Marion et de David, sera sans aucun doute, on l’a vu, très vite inscrit à l’école de pelote  et aura un champion de père pour guider ses premiers pas. Avec son fils, il y a aussi son frère, Laurent joueur de fronton, licencié à Salies et membre de l’équipe qui dispute le championnat  en 2ème série. « Leur donner un coup de main, les coacher, passer du bon temps avec eux, oui c’est quelque chose qui ne me déplairait pas. »

David Minvielle va tirer sa révérence, « sans regret » et avec cette simplicité qui lui va si bien. C’est avec la même simplicité qu’il se glissera dans la peau d’un personnage soucieux de rendre à la pelote  une partie de ce que la pelote lui a apportée. On n’en doute pas un seul instant et la pelote peut s’en féliciter, elle fera, de l’autre côté de la barrière,  une des plus belles recrues qui soit.

Gérard Bouscarel

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