Pelote et photos, Dany Erdocio l'homme des objectifs
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Ses photos sont des bijoux. Sur le bord des canchas, accroupis en bras de chemise ou dans les neiges du Montana, debout et emmitouflé, il guette. Dany Erdocio guette souvent et sur plusieurs terrains. Son énorme objectif à bout de bras il saisit en une fraction de seconde l’instant où, tout à la fois, la pelote se loge au creux du gant et où l’oeil du puntiste se fige dessus, avec des yeux de lynx. Ce n’est plus des fractions de secondes mais des heures qu’il passe dans le froid, à attendre, immobile, retenant son souffle, le passage d’un troupeau de bisons, énormes tâches foncées aux museaux enneigés. Dany Erdocio est un photographe animalier qui se double d’un mordu de cesta punta et mordu est peut-être encore un peu faible.
Partage de passion et du temps
Il ne partage pas seulement ses passions entre la photo de cesta punta au bord des jaï alaï et celle des animaux en milieu naturel, son temps aussi il le partage, six mois au Pays Basque, six mois en Floride. Le Pays Basque, il y est né, il est luzien et il y tient, la Floride il y a mené, 30 ans durant, une belle carrière de puntiste, rencontré Denise devenue son épouse, c’est dire la place de cette péninsule américaine dans la vie de Dany Erdocio.
L’élégance de ses prises de vue, la finesse de ces images, le souci permanent du détail, c’est la marque de fabrique de cet homme sexagénaire, sans doute rendue obligatoire par son physique; il n’est ni très grand, ni très carré d’épaules Dany Erdocio, alors il a contourné l’obstacle faisant de la beauté, de la recherche, de la technique ses alliés sur la cancha, de la nature animalière son défi au danger qu’il côtoie.
Pour un bras cassé au rugby
Où se nichent les attaches de Dany Erdocio avec le Béarn ? Une amitié coulée dans le béton d’un gros paquet d’années avec la famille Olharan, Jean Marc d’abord question de génération et de pratique commune, de passion partagée, Jean Do ensuite qu’il couve d’un regard paternel par procuration dès que le champion traverse l’Atlantique pour aller jouer aux USA.
Et les attaches de Dany Erdocio avec la pelote ? C’est un bras cassé au rugby qui déclenche le processus. Et puis c’est une annonce dans le quotidien « Sud Ouest », tubrique St Jean de Luz : le club de pelote cherche à garnir ses effectifs. Quand maman Erdocio tombe dessus, elle propose au jeune Dany de répondre à l’annonce. C’est que de toute façon, elle ne le laissera pas retourner tâter l’ovale l’honorable maman luzienne. Dany Erdocio jouera à la pelote, l’annonce du quotidien eut proposé autre chose que de la pelote ce jour là, il aurait peut-être fait du tennis, du basket, ou toute autre discipline encore, allez savoir.
Les belles années US
Mais il fait de la punta et pas trop mal puisque dans la même saison 74-75, il décroche trois titres de champions de France, en minimes en 2ème et en 1ère série, on accole aux lauriers de l’époque, l’étiquette amateur, c’est plus tard que la notion de professionnel, d’amateur, et d’indépendant disparaîtra. Son partenaire du titre s’appelle Philippe Acin il sera quelques temps après, meilleur arrière du fronton de Miami…
Oui, ces années là sont encore les belles années de la punta en Amérique, celles où l’argent coule à flot, les parties de pelote font le plein, le fronton des casinos est l’endroit, où il faut être, les stars ne sen privent d’ailleurs pas.
Ce monde là, Dany Erdocio le découvre sans tarder beaucoup, dès 1976, il a 17 ans, il décroche un contrat et intègre le fronton d’Harford.
Un « Most win » tout de même
A cette époque, l’attribution d’une licence de Casino était liée à un saison sportive, la « World Jaï Alaï » géra jusqu’à 14 frontons, une grande majorité implantés en Floride. Quant aux saisons sportives elles s’articulaient autour des quiñiélas et des courses de lévriers la plupart du temps.
Dany Erdocio qui a déjà l’appareil photo dans un sac, fait partie de la première génération des puntistes français partis découvrir l’Amérique et tenter d’y faire fortune. A-t-il été de cette catégorie là ? Non, assure t’il, mais pour faire 20 saisons à Harford puis 12 encore à Miami, il lui a bien fallu quelques qualités tout de même. Elles n’étaient pas physiques loin s’en faut, on l’a vu, mais il s’était confectionné un tel matelas de technicité qu’il eut dit-il « la chance de jouer avec les meilleurs et dans les meilleurs frontons pendant très longtemps ». Et puis de se hisser à leur niveau aussi, il signa un « most win *» en 1992 et fut 2ème joueur, à Miami en 2004.
Ce sont là les années roses d’un parcours qui ne le fut pas toujours, surtout pas au départ de l’aventure. Il dit Dany Erdocio ne pas avoir compté les fois où il a pleuré seul dans une chambre, les fois où il appela son père pour lui dire « j’arrête, je rentre ».
Quatre ans de « spleen »
Ce « spleen » l’a suivi 4 ans, jusqu’au rachat du fronton d’Harford par le patron de la World Jaï alaï league en 1981. « Ce fut un tremplin pour moi » le ciel de Floride devenait bleu azur et la cesta punta le mena ainsi, heureux, jusqu’en 2009.
Ne croyez pas pour autant qu’il ait complètement décroché, non quand il redevient luzien, fin mars début avril, il rejoint l’équipe des entraîneurs du pôle performance, là il retrouve Eric Irastorza avec lequel il a partagé de nombreuses campagnes américaines, et puis il s’évade aussi parfois c’est pour aller, haut en montagne, dans les Pyrénées, surprendre quelques isards et autres bouquetins sur leurs rochers pour les fixer, magnifiques, sur l’objectif de l’appareil photo. La pureté de la nature, la pureté du geste du pelotari, si vous croisez un jour Dany Erdocio, l’ami des Olharans, vous êtes sûrs d’une chose, celle de passer un très beau moment à feuilleter son album photo .
*Most win : faire un most win c’est cumuler le plus de victoires.
Gérard Bouscarel