Edito: Eternel Lopez

Il y avait à l’intérieur du fronton, que Donasti a baptisé du nom de Carmelo Balda, chirurgien dentiste pionnier de la chirurgie maxilofaciale mais aussi triple champion de pelote dans les années trente, et premier président de la fédération internationale dont il est membre fondateur, une ambiance comme il n’y en a nulle part ailleurs. La province du Guipuzkoa n’est pourtant pas la plus btanchée pelote de toutes celles qui font le pays basque, la « basque country » comme le disent désormais ces tee shirts fleurissants et fièrement portés. Le contrat de trois ans que San Seb a signé pour organiser le grand final de la saison vise justement à densifier et relancer l’activité du site bien inséré dans ce parc d’Anoeta où mille installations font escorte à l’écrin bleu de la Réal Ssociedad. Inutile de débriefer des heures, ce lundi pas un billet n’était mis à la vente, le fronton était plein de ces quelques 2000 personnes, des cars avaient été affrétés aux couleurs des champions de Mutriku, le mauve pour Urriesti et de Gernika, le jaune pour Barandika, et puis des papys au jeunots, des « groopys » aux grand-mères, les « yaya » pour faire local, tout l’échantillon de la population était là, de sortie, à la fête, comme une veille de « fin de semana », sauf que c’était un lundi et de la pelote à l’affiche… Oui mais, c’était du sport et là bas, même si ce n’est pas loin, ce mot la tient de la magie, il coule dans les veines, il est un second amour. Il est dans la culture de chacun, banderoles, pancartes, fan club à l’appui.
Ou la cancha devient une arène, une ruche. La température s’y mesure en décibels. La musique est hurlante, le basque parlé fort. Les montagnes de « pinchos » alignés en désordre sur l’immense comptoir traversant l’étage dégringolent plus vite encore que les « muxos » dont l’inusable animateur charge les baffles au rez de chaussée à chaque beau geste, chaque belle action.
Si tu ne gagnes pas tu apprend
La cancha, elle s’est offerte toute entière à Imanol Lopez, le plus que quadra, 41 balais en avril et toujours là, comme éternel, touché par la grâce celle qu’il ne promena point constamment l’été dernier. Certains le disaient sur la voie du garage, d’autres parodiaient le fameux roman de Richard Wagner et l’enfermait dans un « crépuscule des vieux». Le 22 août à Pau, il n’avait même été que l’ombre de lui même, pas très grand seigneur pour nos spécialistes. Et le voilà numéro 1 de la saison, impérial impassible, insensible, imperturbable dans sa gestuelle, économe et métronome à la fois dans ses déplacements pour aller, sur chaque point, faire un gant à gant avec Barandika son avant, lui glisser deux mots. Il ne fit rien de plus, rien de trop, juste ce qu’il fallait sachant bien, lui qu’une finale, et il en a joué l’homme de Markina, ça se gagne d’abord…Après on ne se souvient plus que des vainqueurs.
Et dire que beaucoup avaient, à juste titre, pensé voir en Enaüt Urreisti, l’avant idoine à faire des misères à son aîné. Et quel aîné, il passait pro le jour où lui venait au monde. 20 ans c’est leur différence. Et ça rime avec expérience. L’Espagne, enfin , Euskadi aujourd’hui si l’on parle pelote, croit à juste titre avoir trouvé en cet Enaüt là une pépite, un diamant susceptible de prolonger le règne des puntistes ibères sur le monde…
Las, la pierre précieuse n’était plus lundi qu’un caillou mal taillé, un galet emporté par le tourbillon ambiant, la justesse et le calme de ses rivaux, emporté par ses démons, trahi par sa jeunesse, abandonné par son génie. Désarmé. Sa pelote en vrac il erra sur cette cancha soudain bien trop grande pour lui, il n’entendit pas les encouragements de son arrière, le brave Thibaut Basque, généreux pour deux, écopant à tour de bras. Il finit par sombrer l’enfant de Mutriku. Ce fut après un point enfin grandiose. Juste après il buta faux au 4. Déjà bien au fond du seau, peu et mal inspirét, il émargea cette fois sur la liste des naufragés de la finale. Perdu corps et âme, le visage détruit, la tempête bouillonnant sous le crâne, le quinzième et dernier point le délivra sans doute de ce chemin de croix.
A 21 ans il a encore le temps, celui d’apprendre puisque les plus grands ont appris des finales. Ne disent elles pas qu’il faut non pas "les jouer mais les gagner", ne disent elles pas aussi qu’on ne les "perd jamais mais qu’on en apprend"…
Gérard Bouscarel