Main nue: "Aupa Navarra"
On dit de la main nue tant et tant de choses ! On dit qu’elle est la reine des disciplines de ce sport, qu’elle en est la mère, qu’elle est l’originelle, qu’elle force le respect de ceux qui la pratiquent. Il doit bien y en avoir quelques unes de vraies même si les autres ne sont pas à jeter aux orties. Peut-être même beaucoup. Ceux qui sont sortis du trinquet Moderne de Bayonne, l’un de ses temples, sur le coup de 13 heures ce dimanche premier de mai, coupes et médailles remises, l’Angelus chanté, vous jureront qu’elle les mérite toutes ces choses que l’on dit d’elle, et force est de l’avouer, vous aurez du mal à leur démontrer le contraire, beaucoup de peine à les en dissuader.
Peu importait le contre pied
On y célébrait la grand messe de dame main nue, la finale du championnat de France professionnel par équipes, celle dont Baptiste Ducassou, expert s’il en est, sans doute aussi un peu malheureux de ne pas être de la fête lui qui y est si souvent, disait à chaud « c’était magnifique » quand à deux coudées de lui, un plus vieil observateur encore affirmait qu’il fallait « bien être quatre pour faire une aussi grande partie ». La pelote, la main nue, la Fédération, Esku pilota, bref tous ceux qui se félicitaient de ce qu’une saison difficile ait accouché d’un dernier acte somptueux, se souciaient bien peu alors de que cette finale soit un contre pied parfait à un championnat de France qui titrait deux espagnols, enfin deux basques et encore plus exactement deux Navarrais de Pampelune. C’est qu’à l’heure où l’on ne sait pas jusqu’où ira le conflit qui oppose la fédération internationale à celle d’Espagne au motif qu’elle a officialisé une fédération basque, il faut prendre toutes ses précautions y compris de langage… Les supporters venus de Navarre en nombre et « camiseta » floquée du nom de leur héros connaissaient le leur qui résonna souvent « Aupa Navarra » !
La main brûle... un peu
Iker Espinal dont on se souviendra qu’il était du plateau venu disputer les qualifications du groupe « B » le 28 février dernier à Pau et Luis Sanchez, ce grand gaillard aux épaules de troisième ligne, sont donc devenus champions de France en battant Mathieu Ospital que l’on apprécie trop sur la cancha pour le voir le plus souvent triste et la mine défaite, et puis Peïo Guichandut dont on craignait depuis le 15ème point qu’il ne mette un genou à terre tant il cherchait l’air, tant il rougissait des joues, mais il ne le mit jamais à croire que c’est dans sa nature que de transpirer ainsi l’effort…
40 à 38 donne déjà la dimension de ce combat, tant il est vrai que les manistes sont des combattants qui ne se battent pas seulement contre un adversaire mais deux puisque plus d’une heure après s’être douché, Espinal venu faire le métier, c’est à dire saluer les partenaires, avouait que la « main brûlait encore un peu »… On adora le « un peu ».
40-38 oui mais, plus encore et l’on s’excuse presque de remuer le couteau dans la plaie, 38-35 pour ceux qui rêvent alors de coiffer la « boïna », et qui ne la coiffent pas. Qu’a-t-il manqué demandait un média à Mathieu Ospital ? Le garçon d’Urepel sans doute le meilleur de ce quatuor ce dimanche, chercha avec gentillesse un élément de réponse, mais il n’en trouva point alors poliment il lâcha « pas grand chose ».
Sanchez, Sanchez, Sanchez...
Pas grand-chose effectivement, ni physiquement, ni stratégiquement puisqu’ils évitèrent Guichandut et lui, la pogne de Sanchez tant que faire se peut et maintinrent Espinal dans une défense du filet au près qu’il tarda à maîtriser d’où ce bon départ puis cette résistance que le score entretenait, ne s’envolant jamais . Seulement voilà Sanchez courait au 40ème point comme au premier, Sanchez frappait au 40ème point aussi fort qu’au premier, il traversait toute la cancha comme s’il venait d’arriver, bref Sanchez était Sanchez et il ne laissa à personne le soin de faire pencher cette finale de son côté. La manière dont lui, si froid, si « tueur », si blanc, les yeux de feu, courut vers Espinal pour l’étreindre et puis le soulever bien haut, la manière pleine d’exubérance dont il accueillit les premières secondes de la victoire fut à nos yeux le plus bel hommage rendu à Ospital et Guichandut, mais l’on doute que ça suffisait à les consoler, eux si braves, si beaux. Alors oui la main nue était belle, très belle et plus encore... Pour ses vainqueurs comme pour les autres…
Gérard Bouscarel
Reportage photos Raymond Cazadebat