IV-David, gentleman farmer

« J’aime voir une plante pousser, j’aime semer une graine et récolter plus tard son fruit, j’aime voir un tout petit animal grandir, oui, j’aime la nature,» dans la peau du chef d’exploitation agricole qu’il est devenu en avril 2022, David Minvielle, est aussi élégant qu’il l’était sur la cancha. C’est un grand gaillard le béarnais, une sacré et belle carcasse oui, mais elle renferme une sensibilité énorme, et il ne faut pas le bousculer beaucoup pour qu’elle éclate au grand jour, et qu’elle ait immédiatement le don de convaincre. Parce qu’il y a le ton, parce qu’il y a les yeux brillants. Parce qu’on l’imagine bel et bien déambulant dans ses champs tout en caressant ses tiges de maïs ou de blé, ou encore, marchant au milieu de ses canards d’un jour en faisant attention à ne pas en écraser un. Parce qu’il est David Minvielle, tout simplement aussi attachant à la campagne qu’il l’était, non pas à la ville, mais sur la cancha qui fut longtemps, aussi, son terrain d’expression.
Voir autre chose d’abord
Les anglais l’auraient volontiers considéré comme un de leur gentlemen, mais comme il est des nôtres, bien des nôtres, et qu’il est dans le monde agricole, on en fera un « gentleman farmer »!
Est-ce qu’il sut rapidement qu’il serait le quatrième voire le cinquième, peut-être davantage, des Minvielle à reprendre et prolonger l’exploitation de la propriété familiale ? « Oui, gamin déjà j’aimais aider à soigner les canards, et j’étais souvent sur le tracteur » se souvient celui dont les études vont, ensuite, s’orienter dans ce sens. Il est titulaire d’un BEP agricole prolongé d’un BAC option identique et termine avec un BTS en gestion d’entreprise. Le jeune Minvielle est donc armé et la question ne se pose plus, il succédera bien à ses parents sur ces terres de Carresse -Cassaber, « avec deux « r », il tient à la précision, mais pas dans l’immédiat.
D’abord il est encore un peu jeune et n’a sans doute pas encore les épaules assez larges pour se lancer à la tête de 270 ha ! Convertis en « canchas » ça en fait une belle collection. Papa Minvielle et maman continueront donc le temps que le fiston, David, exerce ses fonctions de commercial chez Lur Berri, la coopérative agricole dont le siège est à Aïciritz. Aujourd’hui, David, se souvient, « J’avais besoin d’exercer un métier extérieur à l’environnement de la ferme, je savais que ça me permettrait de revenir avec une ouverture d’esprit différente.»
2022, le grand saut
Le grand saut il l’effectue en 2022, en avril 2022 très précisément. Il est prêt, il ne souhaite pas que ses parents aillent au-delà de ce qu’ils peuvent, ce métier est de ceux qui usent plus vite que beaucoup d’autres. De l’autre côté Marie-Ange et Bernard, ses parents veulent entendre de la bouche du fiston sa détermination à s’engager, avant de s’éclipser et de lui donner les clés de la maison. Ce n’est pas une simple image, c’est une réalité, un geste qui honore les parents de David. Puisqu’il prend les rênes de la ferme, il prend aussi la maison. Eux ? Ils iront vivre à la ville, elle est voisine, c’est Salies de Béarn, dans une villa de plein pied qu’ils ont achetée. Quitte à prendre la retraite, que ce soit une vraie retraite, ils l’ont bien mérité.
20.000 canards à l’année
Pour David, c’est le début de la mise en retrait de la cesta punta, les premières fois où l’on entend parler de fin de carrière, la priorité c’est désormais son nouveau métier, chef d’exploitation, et puis, la famille puisque Marion, sa charmante épouse lui a donné un deuxième fils.
Qu’est ce qu’il cultive David Minvielle sur cette immensité ? Beaucoup de choses et c’est de son propre aveu, « cette diversité qui rend l’activité passionnante ». La diversité c’est du maïs grain et « waxy », du maïs semence, du blé, du soja, du colza et des kiwis, avec toutefois une nette avance du maïs semence qui occupe 70 ha à lui seul. La diversité c’est aussi l’élevage des canards et là encore les chiffres donnent le vertige, David Minvielle en élève la bagatelle de 20.000 à l’année, ce qui équivaut à 3,5 « bandes », chacune de 6300 canards étalées dans le temps .
Il les reçoit, quand ils ont 1 jour et il les rend au groupement palmipède de Lur Berri quand ils en ont 81, ils pèsent alors 4 kilos et quand ils quittent Carresse-Cassaber c’est pour aller en salle de gavage, après quoi ils seront livrés à St Geours de Marenne, aux établissements « Labeyrie » qui les commercialiseront.
La ferme reste sur le pas de la porte
C’est eux qui ont droit à la première visite de notre agriculteur quand il démarre sa journée à 7h30, mangeoire, abreuvoir, sont réapprovisionnés, la litière elle est refaite quotidiennement. Il ne le dit pas mais ne contredit pas non plus quand on lui glisse que ce travail terminé, il doit bien prendre quelques instants pour profiter de cet énorme peloton encore un peu maladroit dans la démarche. Pas trop longtemps non plus car les charges de travail qui viennent sont plus lourdes, il va d’abord déplacer les sept enrouleurs, puis il va surveiller les grandes rampes chargées de l’irrigation en pivot. A-t-il fait une pause déjà, c’est l’organisation familiale qui en a décidé. Dépôt à l’école d’Oïhan puis bientôt de Gorka à la crèche. C’est soit Marion son épouse qui part prendre son poste à la caisse d’épargne de Salies, soit lui. Chez les Minvielle, il y avait- on parle au passé désormais – aussi l’organisation par rapport aux créneaux d’entraînement et de compétition de David, et « c’était parfois la galère » admet-il. Une fois les planning effectués, la ferme, l’agriculture, restent sur le pas de la porte, « chacun son métier, ça permet de protéger un espace pour la vie de famille, pour autre chose. » Et quand les charges journalières sont devenues trop lourdes, David s’est attaché les services d’un salarié, « je ne voulais surtout pas que mon père revienne m’aider, il avait assez donné. »
Passion et amour cultivés
C’est qu’au delà des travaux qui l’occupent une bonne partie de la journée, il lui faut aussi gérer « l’imprévu qui s’invite souvent » et puis encore assurer l’entretien du matériel. Il n’a cependant pas encore fait le tour de son emploi du temps puisqu’il reste « l’administratif à gérer » et ce domaine, David le résume en levant les yeux au ciel. S’il ne s’étend pas on comprend, et l’on sait, qu’il est envahissant, à plus forte raison pour quelqu’un comme lui qui « aime l’air », qui est heureux à « côtoyer la nature.»
Et pourtant, cette nature ne restitue pas parfois toujours l’ amour qu’on lui voue, « un orage peut tout mettre par terre», David Minvielle n’ a pas tardé à voir les éléments lui souhaiter la bienvenue au club, lui offrir son baptême du feu. Eté 2022, il est son propre chef depuis peu, quelques mois, il s’est appliqué à bien semé, et il a vu grandir son maïs, comme il aime voir grandir ce qu’il sème, il n’attend plus qu’une chose, récolter oui mais, cette année c’est la canicule qui a sévi sur ses champs de maïs. »
« Bien sûr que c’est une catastrophe mais il ne faut pas s’arrêter là, on a des assurances et la moyenne il faut la faire sur cinq ans de travail, pas avant, » derrière l’homme de la terre se cache encore l’homme de la cancha qui n’a jamais rien lâché tomber quand bien même il était mené. Et qui n’a jamais perdu son sourire même s’il était battu, c’est aussi ce qui l’a fait aimer de tous notre « gentleman farmer ».
A sa culture du jeu, soyeuse et soignée, s’est ajoutée celles du maïs et de bien d’autres, elles ont toutes le même socle, celui sur lequel David Minvielle a grandi, la passion et l’amour des belles choses. « Quand une plante à soif, il faut lui donner à boire.» dit-il aussi.
Gérard Bouscarel
Sur nos photos (Raymond Cazadebat et Danny Erdocio)
*Puisqu’on ne le reverra plus le gant ficelé au poignet alors, profitons en une dernière fois et puis accompagnons ses premiers pas, les vrais cette fois, d’un jeune retraité de 41 ans, David Minvielle.
Découvrez notre boutique officielle
Équipez-vous avec nos articles officiels : maillots, sweats, pantalons, sacs et plus encore, pour soutenir votre équipe avec style !






