Hugo Pierrou, une tête, des jambes

Hugo Pierrou appartient à la grande famille des familles de la pelote ! Est-ce la tradition qui veut ça ? On ne sait, toujours est-il qu’ici on passe le relais, on transmet la passion d’une génération à l’autre, voire à la suivante bien davantage que partout ailleurs. Tenez, on ne se hasardera pas à les citer de peur d’en oublier, et puis le but n’est pas de dresser un arbre généalogique de la pelote mais de s’intéresser à un jeune homme bien sous tous rapports, un garçon à la tête bien faite et bien pleine, un ado au corps bien découpé, un étudiant au look un tantinet « british », le profil du gendre idéal en somme mais il faudra patienter puisque Hugo Pierrou est « marié » jusqu’en 2027 avec les campus et les grandes écoles. Ceux de Bordeaux cette année, de Marseille l’an passé, le rapprochement a des noms: famille, pelote et horaires de train mieux respectés ! Il en sortira alors avec un Master II du programme de la « Kedge Business school » option finance-comptabilité-audit. On est là dans le top 10 des grandes écoles de commerce et de management en France.
Etudiant, champion
Hugo Pierrou est, comme on dit plus populairement dans le milieu étudiant une « tronche ». Oui mais à la nuance près que cette tronche là, se double d’un champion de France 2024 de place libre, c’était à Salies de Béarn le 15 août dernier et contre Hossegor avec Antton Tanco et Paul Caparrus comme équipier, qui se double encore d’un titre de champion de la « summer league » réservé aux espoirs de moins de 22 ans, c’était une compétition de longue haleine s’étalant sur neuf vendredis. Il y a été souverain au point de s’imposer dans les trois compétitions de St Jean de Luz, Biarritz et Pau.
Voilà bien un CV qui le dédouane immédiatement d’être d’abord le « fils de... » et ensuite le « petit fils de ». Son patronyme, Hugo le porte fièrement avec beaucoup d’affection et de respect pour ses aînés quand il aurait pu être un héritage délicat, lourd à porter…
Le gant de papy à 3 ans
Son cursus ainsi survolé tordrait le cou à ce principe trop souvent entendu selon lequel on ne peut mener, chez nous, de front et des études et une carrière sportive. Ce n’est pas aussi simple. On ne va pas en faire le parfait contre exemple. Il y a des trous et des gros dans son itinéraire de pelotari, puisque, on ne l’a pas dit tant ça coulait de source, Hugo Pierrou ne pouvait pas ne pas jouer à la pelote basque lui qui reçut de papy Gérard son premier gant le jour de ses trois ans et qui, guère plus grand, suivit papa Christophe tous les week-end avec maman sur les canchas où il se précipitait avec le gant en question sitôt les parties terminées. « J’ai commencé à jouer si petit que je n’en ai pas le moindre souvenir, je devais encore avoir des couches » sourit-il en s’excusant presque.
C’est étudier ou jouer
Et comme aux âmes bien nées dit-on le talent n’attend pas le nombre des années , il mania le gant de son grand-père, puis d’autres avec suffisamment d’aisance et de bons copains pour décrocher, chez les benjamins et les minimes, deux titres de champions de France dans les années 2017- 2018. Il jouait alors en extension pour Biarritz « puisque avec Jean Aldin et Johan Sorozabal l’occasion était belle de former une bonne équipe ». L’avant biarrot misa beaucoup, presque tout, sur l’aventure américaine avant le bac, le palois gardait un faible pour les bancs de l’école.
Il obtint son bac et puis rangea le gant pour mettre la pelote dans une grande parenthèse. Les deux années post-bac, qui préparent aux concours d’entrée dans les grandes écoles, ne laissent guère de fenêtre pour aller respirer l’air des frontons, ou alors c’est à dose homéopathique. Hugo Pierrou se souvient avoir défier le temps en disputant le championnat junior avec son pote du club, Paul Caparrus : « Je ne jouais que les parties sans jamais m’entraîner, ça passe un moment et puis au fil du temps le plaisir diminue, le niveau de jeu aussi et naturellement ça affecte également ton partenaire... » L’expérience n’est donc pas reconduite la deuxième année, c’est une évidence.
Marseille, oui mais non !
La question ne se pose même pas, ce sera tout pour l’école, rien que l’école. Il a opté pour Marseille pour effectuer sa première année. Il y aura bien plus de possibilités d’aller voir jouer l’OM au stade vélodrome que de frapper sur un fronton, ce n’est pas là-bas, peuchère, un sport qui mobilise au-delà de la communauté de chez nous qui y travaille. La pelote n’est donc plus à l’ordre du jour, et c’est peut-être mieux de s’être éloigné ainsi, dans un environnement où la tentation « d’aller taper » disparaît.
Le bilan de ces deux années passées le nez dans le guidon, à assurer les partiels, à être le mieux placé possible pour avoir le meilleur choix d’école, c’est la confirmation que le garçon est à son aise dans les amphi et autres salles de cours. Deux ans sans jouer à la pelote, ça ne pèse pas lourd en regard de l’avenir qu’il se forge, on est bien d’accord, mais tout de même quand on a été bercé dedans il y a un manque. Après le bilan, vient la conclusion, elle est sans appel : peut mieux faire ! Ce n’est pas celle du bulletin scolaire rassurez-vous de ce côté là tout va bien, l’année est validée. Le « peut mieux faire » c’est au niveau famille, il en est loin somme toute et même à 20 ans ça peut manquer surtout quand elle a toujours été à vos côtés, très proche. D’autant plus loin que les voyages en train sont souvent des galères qui lui grignotent ses week-end. Donc Marseille, oui… mais non !
Bordeaux, le rapprochement
L’école dont il suit le programme possède plusieurs pôles éparpillés sur l’hexagone. Il effectue le choix du rapprochement: Bordeaux ! C’est en Gironde qu’il revient effectuer sa deuxième année de Master I. Là, sur les bords de la Garonne, il n’a pas comme sur la Cannebière, à traduire le mot « cesta punta » on joue à la pelote sur les bords de l’Atlantique, on y trouve même des champions. Donc Hugo Pierrou peut aller taper, « oui, je vais à Villenave d’Ornon, une fois par semaine, le mercredi, même si c’est au prix de 45 minutes de bus »… Et puis surtout il peut rentrer tous les vendredis ou presque dans sa famille et rentrer c’est aussi, vite reprendre le chemin du Cami Salié, vite remettre le gant. Et pour donner plus de corps à son projet pelote, pour ne plus qu’elle soit en pointillé il effectue sa deuxième année de Master I sur deux ans. Ainsi ce savant mélange ne le prive d’aucun de ses centres d’intérêt, on parle des centres d’intérêt majeurs pas de ceux, éphémères qui tracent un circuit des fêtes de Bayonne à celles de Dax, elles sont de son âge... C’est qu’il serait dommage en effet de gâcher le potentiel de Hugo Pierrou. du moins de ne pas le mesurer, l’apprécier, il est encore jeune. Son été en place libre ou dans le jaï alaï, dehors ou dedans pour les non initiés est somptueux. Il survole les quiñiélas que les espoirs de moins de 22 ans disputent en lever de rideau de la « summer league », au point de réussir le grand chelem on l’a dit. Et, jolie coïncidence le tirage au sort qui préside dans chaque tournoi à la constitution des duos lui octroie Jean Aldin comme arrière, deux fois sur trois, Jean Aldin le copain des premières années pelote, des premiers titres.
Pierrou-Aldin de nouveau
Les deux potes, referont route ensemble sur les « canchas » puisque Hugo s’est déclaré apte à jouer un championnat A quel niveau ? En deuxième série, le mieux adapté pour quelqu’un qui doit refaire ses gammes, retrouver du rythme, en un mot toutes ces choses qu’un « break » de deux ans a mis en sommeil. Et dans quelle perspective ? Hugo Pierrou qui va bientôt faire 21 ans ne se fixe pas d’objectif précis, sinon celui de retrouver son meilleur niveau de jeu. Et puis comme tout compétiteur, il aspire à aller le plus loin possible déjà dans ce championnat.
Pense-t-il à un après, lui qui a reçu de la Fédération Française le trophée « Plaza Gison » qui au-delà du fair play récompense celui qui associe le plus de qualités sportives et humaines ? Non, pas vraiment, il laisse simplement les choses venir à lui… Et elles arrivent. Il est allé ainsi à Barcelone au sortir de l’été disputer une rencontre face au Catalans, preuve qu’il est désormais dans les radars fédéraux…
Le baptême du feu, inattendu !
Bien plus récemment, Jean Olharan, blessé la veille du dernier match de poule, Hugo Pierrou l’a suppléé au pied levé lui qui pensait prendre son train pour rejoindre Bordeaux. C’était son baptême du feu de la 1ère série, la première plongée dans le grand bain du plus haut niveau et il ne s’en est pas mal sorti du tout, la preuve, avec Jérôme Portet à l’arrière, la Section a signé un 6ème et dernier succès.
Pas de quoi, lui tourner la tête cependant. Le cap des études est fixé, il sait parfaitement où il va en suivant un parcours balisé jusqu’en juin 2027 et rien ne le fera changer. Le joueur de pelote lui n’a t pas d’objectif au-delà de sa quête de progression. Au delà du plaisir de jouer.
Entre ses hautes études et son sport de prédilection, peut-être que son cœur balance, parfois secrètement, peut-être, on dit bien mais ce n’est pas sûr. Ce que l’on sait avec assurance c’est où pencherait l’aiguille de la balance si on posait « ses deux amours » sur les plateaux ... « Le coeur de la pelote, il est au Pays Basque, et si tu t’en éloignes parce que ton métier l’exige tu éloignes aussi la possibilité de jouer au plus haut niveau c’est donc compliqué. » Ce n’est pas son métier, encore, qui jusque là l’a éloigné de la pelote, mais ses études, Hugo Pierrou parle donc d’expérience. Gare tout de même Hugo Pierrou est très doué dans l’art des bons compromis…
Gérard Bouscarel